« Le pouvoir, de même que l'amour, l'art ou la découverte, prend ses racines dans la mort. » Maurice Druon

Sohan est la définition même du mot ‘contradiction’. Fils de Drew, un sorcier maléfique et de Meredith, une mortelle tout ce qu’il y a de plus angélique, il possède les traits de ses deux parents, le tout dans une distinction parfaite. Sa petite sœur Judith, d’un an sa cadette, aura fait les frais de cette ‘double’ personnalité durant une bonne partie de son enfance. En effet, le petit Sohan avait la fâcheuse tendance à se montrer violent avec elle, il prenait un malin plaisir à la faire tomber. L’instant d’après, il se confondait en excuses et la prenait dans ses bras, écœuré à l’idée qu’il ait pu faire du mal à sa sœur qu’il aimait tant. A l’école c’était pareil, et les fois où il fut ramené chez lui pour avoir brutalisé un camarade de classe furent nombreuses. L’influence du patriarche de la famille sur son fils aîné était plus que mauvaise et tirait peu à peu le jeune Sohan vers le mal. Devenant de plus en plus protectrice envers son enfant, ayant peur de le voir mal tourner comme la plupart des adolescents du quartier, Meredith décida de quitter son époux et de s’éloigner le plus loin possible. Cet éloignement conduisit la petite famille, à l’autre bout du pays, dans l’océan Indien. Un article a certainement dû attirer votre attention, il y a quelques années de cela. Celui qui fit les gros titres de l’île pendant plusieurs jours. Une mère et sa fille avaient été retrouvées sauvagement assassinées dans leur maison au bord de la mer, et aucune trace du garçon qui vivait là n’avait été trouvée. Fou de rage d’avoir perdu son seul ‘héritier’, Drew avait en effet massacré la traîtresse qui lui avait ôté son fils et la petite idiote qui osait le rendre aussi guimauve.

Elevé par son père dans la pure tradition de la magie noire, privé de tout contact avec les êtres faibles, Sohan devint au fil du temps le portrait de son père, une créature presque aussi maléfique qu’un démon, sans une once de remords et dépourvue de conscience. Tuer et martyriser devint un plaisir, un passe temps. Cependant, le jeune homme souffrit rapidement d’un tel comportement. A chaque fois qu’il ôtait la vie, les souvenirs de la mort de sa mère et de sa sœur venaient lui brouiller la vue, le faisant souffrir presque autant que sa victime. Terrifié à l’idée de faire connaître la même chose à un enfant, d’anéantir une famille pour ne laisser qu’un seul survivant, tout ça pour satisfaire sa soif de tuer et le plaisir pervers de son père, Sohan, malgré l’effroi et la soumission qu’il pouvait éprouver envers son père, mis un terme à cette vie d’asservissement. Pour la première fois de sa vie, il se dressa contre le patriarche, constatant avec horreur que ses dons étaient beaucoup plus destructeurs que ce qu’il avait pu penser jusqu’à lors. Détruisant, et son père et sa maison sans jamais avoir souhaité cela, Sohan se retrouva à la rue, orphelin et dégoûté par ce qu’il est devenu et ce qu’il est capable de faire. Etudiant rangé, le jeune homme essaye à présent du mieux qu’il peut de renier cet ‘autre’ qui le ronge et qui ne souhaite qu’une chose ; reprendre le contrôle et dévorer entièrement la partie de bien qui subsiste dans ce corps frêle et pourtant si puissant. Cette lutte le fait souffrir, lui fait parfois perdre tout contrôle. Rongé par un mal qu’il porte dans son sang, Sohan s’éloigne de ceux qui comptent pour lui, et se plonge peu à peu dans un mutisme et une solitude quasi maladive. La voix de son père résonne dans sa tête, continue de lui donner des ordres, de le pousser à assassiner, et déjà, il sent l’emprise que cette illusion auditive peut avoir sur lui. Son prochain acte maléfique est pour bientôt il le sent, et la pierre qui manque de faire chuter le mur qu’il a érigé autour de son cœur pour protéger la lumière que sa mère et sa sœur ont su instaurer en lui, ne tardera pas à se briser.

''It's a dark road. And a dark way that leads to my house. And the word says that you're never gonna find me there, oh no. I've got an open door. It didn't get there by itself. It didn't get there by itself... I can't find the joy within in my soul. It's just sadness takin' hold. I wanna come in from the cold and make myself renewed again. It takes strength to live this way. The same old madness everyday. I wanna kick these blues away. I wanna learn to live again.''

« Qui je suis, mon véritable prénom, d’où je viens vraiment je n’en ai aucune idée. Avant je pensais avoir les réponses à ces questions mais toutes mes convictions se sont évanouies d’un seul coup, aussi vite qu’un château de cartes déséquilibré. Quelques fois j’aimerais avoir à disposition une machine à remonter le temps, ne rien avoir découvert pour continuer à vivre comme avant, sans me poser de questions sans même que je m’en rende compte… Tout tourne, se mélange, avec violence, sans jamais faire de pose, sans me laisser de répit pour reprendre mon souffle. Alors ma respiration se coupe et j’étouffe, seule et en silence. Il faut que ça s’arrête, je réfléchis avec énormément de mal et je trouve la solution. Je fais de la place, crée une immense pièce et y place toutes mes questions, mes doutes, mes peurs. Il n’y a pas assez de place, la porte ne veut pas se fermer mais elle finit par céder et claque avec fracas. Il ne me reste plus qu’à fermer à clé et à oublier. Oublier mon passé.

Dans mes rêves des bribes me reviennent, des éclats de souvenirs que je pensais enfuis à jamais. Je me souviens, j’étais heureuse. On été heureux, à notre manière et autant que pouvait l’être un chasseur et deux sorciers. L’envers du décor je l’ai vu et observé très tôt, j’ai pris conscience de l’existence des démons, vampires et sorciers dès que j’eus attend l’âge de comprendre. Mon père avait mis un point d’honneur à tout m’expliquer et ne rien me cacher pour que j’apprenne à repérer le danger, à me défendre et surtout à contrôler mes pouvoirs. Il avait l’habitude de dire que faire le contraire revenait à se voiler la face et Alexander approuvait d’un bref mouvement de tête. Il approuvait toujours ce que papa disait et moi je l’imitais. Ce que je ne comprenais pas c’est le fait qu’Alexander et moi avions des pouvoirs mais pas papa, quand je lui posais la question il changeait de sujet ou grognait dans sa barbe. D’habitude il avait toujours réponse à tout. Je finis par oublier ce détail, les années passèrent et je grandis mais pas encore assez pour saisir la tension qui régnait au sein de notre famille et les regards furtivement échangeaient par papa et Alexander. Non je compris bien plus tard après avoir pleuré la mort de mon frère pendant des mois et après avoir obtenu des explications faites de mauvaise grâce. Mon frère n’était pas mon frère. J’en voulu à papa, longtemps, mais je finis par lui pardonner. Les années passèrent encore, je changeais, j’évoluais et découvrait le véritable étendu de mon pouvoir pendant que mes relations avec papa se détérioraient, on ne se comprenait plus tout simplement. Le soir de sa mort je n’étais pas avec lui, alors où ? Je ne sais pas. J’avais 18 ans lorsqu’en triant ses affaires je trouvais son porte-monnaie et une photo de famille à l’intérieur. Une famille qui n’était pas la notre. Je compris en redécouvrant les traits de mon père sur le visage de ces enfants. Je lui en veux encore aujourd’hui, jamais je ne lui pardonnerais. Que faire maintenant ? Les seules options qui me vinrent à l’esprit étaient : Partir et oublier. A ce moment, je découvris véritablement le sens du mot : Seule. »