The will is not sometimes enough.

Le sol semblait tout à coup froid et dur comme du marbre. Une sensation bien connue de Lysandra puisqu'elle avait cette impression chaque fois que son esprit partait vagabondé dans les zones obscures de ses souvenirs. Des zones qu'elle voulait oublier, faire disparaitre mais impossible. Amour renié par celle qui se trouvait sous ses genoux, celle qui l'avait mise au monde. Les yeux rivés sur la pierre tombale et pourtant lointain à la fois, Lysandra restait sans bouger comme une statue, incapable de faire le moindre geste. Tétanisée. Comment cet être avait pu mettre fin aux jours de la personne qui l'avait mise au monde ? Leur mère. Être abjecte et pourtant, cher à son cœur. Plus que sa propre vie, sa misérable vie d'humaine et à la fois de monstre. Le venin de la mort circulait encore dans ses veines, laissant un goût amer en bouche et surtout, une vague impression de néant. Comme une existante entre la vie et la mort. Plus la belle restait à ne pas bouger devant cette tombe, plus la haine envers ce frère montait en elle. Serrant doucement les points, elle ferma subitement les yeux comme pour mettre fin à tous ces sentiments qui la tiraient un coup vers le bas, puis un coup vers le haut. Haut. Bas. Subitement, haine vague et presque inexistante. Besoin de voir cet être qui l'a tyrannisé de la sorte sans proximité certaine. Frère de sang mais, surtout de haine, frère dont elle ne pouvait se détacher même si un jour, la Terre prenait fin. Dans une lenteur extrême, elle se releva doucement de sa posture inerte et cligna une fois des yeux avant de les laisser ouvert, ne reprenant toujours pas conscience. Le vide l’envahissait peu à peu, comme une impression de tomber sans jamais toucher le fond. Alors, sans vraiment savoir comment, elle mit un pied devant l’autre, commençant doucement à marcher et à reprendre du mouvement mais ne sachant toujours pas où elle allait. Elle se laissait guider par son corps, le seul à comprendre ce dont elle avait besoin, tellement son esprit était tourmenté par mille supplices, tous aussi vivaces les uns que les autres et se heurtant sans cesse entre eux. Une goutte d’eau se fraya un chemin le long de sa joue, glissant lentement avant de s’écraser contre ses lèvres rosées. Puis une deuxième, une troisième et une averse la trempa lentement. Bizarrement, elle n’avait pas froid. Sans doute dû au fait qu’elle ne se rendait compte de rien.

Lysandra refit surface lorsque ses pas la menèrent devant la demeure d’être qui avait une place toute particulière dans son cœur. Elle cligna une fois de plus les yeux, reprenant peu à peu conscience de ce qui se passait, les cheveux coulant d’eau tandis que la pluie cessait de battre lentement laissant derrière elle, un silence de plombs. Devant la porte de cette demeure, la belle entrouvrit la bouche, surprise de se trouver ici. Son corps en avait donc besoin. Besoin d’être près de celui qu’elle aimait et plus encore, de celui qui l’a torturé et pourtant … Elle ne pouvait se passer de ce visage. Incapacité certaine. Dans un geste lent, elle ouvrit lentement la porte tout en entrant peu à peu dans la maison, laissant de légères flaques d’eau sous ses pieds. L’eau avait finalement eu raison d’elle, puisque quelques frissons commençaient peu à peu à étirer son échine. Elle avait froid.
Une fois dans le lieu, elle referma d’un coup sec la porte, se plongeant soudaine dans une obscurité étrangement sécurisante. Un, deux, trois pas et rapidement la présence de Christian se fit sentir. Il était là, tout proche d’elle. Il l’avait senti arrivé et c’était précipité vers elle, sans le moindre doute. Lysandra le savait. Elle le savait dès lors que son regard avait croisé le visage de son amour. Ils restaient tous deux à une distance certaine, le temps de bien se regardait. Bouches entrouvertes et sourcils légèrement froncés, c’est la belle qui fit le premier pas vers cet homme. Des pas de plus en plus rapidement et quand elle fut proche de lui, elle se contenta simplement de poser ses deux mains sur ses joues, prenant en coupe le visage de Christian puis elle posa lentement son front contre le sien, fermant les yeux dans un dernier effort surhumain. Ca y était, elle se sentait de nouveau elle. Comme une tonne de poids qu’elle venait de lâcher, juste en voyant et touchant l’être qui faisait battre son cœur. Tandis qu’il la faisait revivre, une part de cet amour l’a tué. Comme si tout à coup, il allait redevenir cet être sanglant qui la détruirait comme jamais. Lysandra ne savait jamais avec Christian et c’est sans doute pour cela que ça l’attirait autant. Long silence apaisant, il fallait qu’elle reprenne doucement le contrôle de sa personne. Christian ne faisait rien et ne disait rien. Tant mieux. Quelques minutes passèrent et, dans un long geste, il posa délicatement ses mains sur les hanches de la belle, la rapprochant de lui dans un geste léger. De longues minutes passèrent ensuite, toujours dans un silence apaisant. Pas de besoins de mots entre eux pour se sentir bien. Seul le contact suffisait.

Soudain un fracas de serrure, un contact rompus et Lysandra se retrouva rapidement à distance de Christian. Elle ne comprenait pas cette soudaine distance et surtout, ce nouveau visage. Pas si nouveau que ça finalement, elle l’avait déjà vu auparavant … Elle le détestait plus que n’importe quoi. Christian l’avait poussé plus loin, sentant la présence d’un être encore plus fou que lui … Duncan. La belle ne se rendit compte de sa présence que lorsque cet être ténébreux ouvrit la bouche pour déverser son poison. « Oh pardon ! J’interromps quelque chose ? » Il avait le visage plaisantin et surtout, imbus de la personne qu’il fixait : Lysandra. Duncan avait toujours ce petit sourire en coin, digne d’un sadisme sans limite. Il l’a dévisagé de haut en bas, répugner par cette humaine qui avait un pouvoir sur Christian. Lysandra le voyait parfaitement, rien qu’en fixant ses prunelles. Une chose lui manquait, une chose dont elle avait constamment besoin, tellement sa peur de l’inconnu l’a rongé. Lire dans les pensées. Un pouvoir qu’elle avait acquérie après son infection. Seulement, il ne marchait pas sur les vampires.
Un ris cristallin se fit tout à coup entendre et ses yeux se tournèrent vers l’objet de ce son. Christian. Encore ce même visage que Lysandra détestait. Elle ne comprenait pas tout … Du moins, elle n’arrivait pas à cerner ce changement brutal de comportement. Comme si elle avait perdu tout à coup ce Christian qu’elle affectionnait tant. « Rien de bien important. » Souffla-t-il un sourire en coin, comme celui de Duncan. Seulement, une seconde après, il tourna légèrement les yeux vers Lysandra. Le regard, tout à coup, comme celui avant l’arrivée de Duncan. Le regard … Et elle reprit confiance en cet homme, le laissant jouer son jeu.