L'astre de la nuit brillait de sa plus belle lueur cette nuit empêchant l'obscurité totale de s'installer, une belle soirée comme diraient certains. Une belle nuit pour les amants essoufflés qui n'ont en tête que leur plaisir partagé, une belle nuit pour ceux qui ont quelqu'un à aimer...
Morose je marchais sans but si ce n'est celui que mes pieds avaient choisi pour moi, un flot de pensées amères envahissait mon esprit me ramenant sans cesse au même constat j'étais seul. Terriblement seul si l'on s'arrête à la simple considération que l'on est seul dès que l'on est pas accompagné physiquement par une personne, car mon corps tout entier et même cette âme que je n'avais plus semblait me commander à distance. Entêtante, troublante, déchirante, l'envie de la voir de sentir l'aura de son être si j'en étais encore capable, me poignardait de l'intérieur. Le désir me rongeait pourtant je tentais de lutter contre cette force invisible qui venaient se mêler au reste des contradictions constantes qui s'affrontaient en moi.
Insupportable. Je me consumais un peu plus chaque fois que mes pensées me ramenaient à elle, les seuls maux dont je souffre ne sont pas la cause d'une quelconque maladie mais le seul fait qu'elle me hante toujours. A croire que mes jambes se décident plus vite que le reste de ma personne puisque tel un automate j'avais en fait marché jusqu'à chez elle. Qui ça elle ?

Aube... La plus belle chose qui me soit arrivée dans ma vie et me poursuit dans ma non-vie, dans ma peine à perpétuité. La cause de sensations aussi agréables que parfois violentes, aussi douces que lancinantes. Trempé sans que je ne sache pourquoi je me terrais dans un coin sombre guettant un signe d'activité dans son appartement, mais encore mieux que ça la porte s'ouvrit et tout semblait d'un seul coup si possible pour moi, je n'avais que quelques pas à faire pour lui signaler ma présence, la voir, la sentir plus prêt de moi que ça n'avait plus été le cas depuis ce qui me semblait être une éternité. Le risque était trop grand et je craignais une réaction négative de sa part, il fallait pourtant que je me décide vite elle partait probablement en chasse ce qui ne me laissait guère de temps si je voulais l'intercepter. Mon regard parcourait sa silhouette si parfaite et s'était comme l'effet d'un défibrillateur durant une crise cardiaque, un choc électrique qui faisait éclater des bribes de mon passé comme des flash, s'en était presque douloureux.
J'étais loin d'imaginer que cette pseudo douleur n'était rien à côté de ce que j'allais ressentir à cet instant, un homme que je n'avais encore jamais vu d'aussi loin que je me souvienne ce qui n'est pas vraiment une référence étant donné les difficultés que j'ai à me rappeler des gens ou tout simplement de mon passé mais lui j'en étais presque sûr il m'était totalement inconnu. Que venait-il faire là ? Attentif je ne perdis pas une miette de ce qui ne tarda pas à suivre, les bras d'Aube s'enroulèrent autour du cou de cet intrus et elle l'embrassa avec une tendresse que je pouvais percevoir de là où je me trouvais. Les chocs électriques me parurent de douces caresses comparés à ce que je ressentais à cet instant, mes poings se serrèrent et je sentis une infinie colère prendre peu à peu le pas sur le reste, comme spectateur de moi-même impuissant face à cette part de mon être qui sous le coup de la profonde blessure que venait de m'infliger cette scène allait faire ressortir tout l'aspect dévastateur de ma personne.

Fuir, s'était la seule pensée à peu près lucide que j'arrivais à avoir sur l'instant, j'envoyais alors valser une poubelle derrière laquelle je m'étais cacher avant de courir aussi vite que je le pouvais dans la direction opposée à Aube et ce déchet qu'elle embrassait. Peut-être m'avaient-ils vu, peut-être pas mais s'était le dernier de mes soucis. Préférant courir sans m'arrêter je voulais à tout prix me retrouver loin, très loin d'eux tant mon envie d'arracher la tête de cet homme était forte mais je ne voulais pas qu'elle me voit agir de la sorte et surtout pas devoir l'affronter, il était certain qu'elle ne prendrait pas mon parti si je m'en prenais à celui qui avait pris ma place, la seule que je voulais garder plus que tout... J'avais mal, une douleur inconnue la colère me brûlait et s'était comme si j'allais exploser, je m'arrêtais de courir et me rendait compte qu'il pleuvait. La pluie tombait depuis longtemps déjà mais ce n'est qu'à cet instant que je m'en rendais compte, jusque là rien d'autre n'avait occupé mes pensées que Aube et mon désir de la voir. A présent tout était terminé et ma seule envie était de dissiper ma haine dans le seul échappatoire efficace que je connaisse, la violence. Alors quand ce couple passa prêt de moi avec dans l'idée de rentrer se mettre à l'abri chez eux je sentis mon pire instinct de tueur venir me tenter, s'était si facile et ça me ferait tellement de bien... Juste quelques coups et un peu de son sang... Je n'irais peut-être même pas jusqu'au meurtre ou peut-être que si en fait...
Je me jetais alors sur le pauvre homme qui n'y étais pour rien mais il n'était qu'un dommage collatéral, mauvais endroit au mauvais moment comme on dit. Je le projetais contre le mur et sa fiancée hurla d'un cri strident qui m'irrita un peu plus alors que je lui assénais un coup de poing qui suffirait à l'étourdir suffisamment alors que je mordais avec violence dans son cou simplement pour me prouver que je n'étais pas celui qui était vulnérable ici. Et puis elle n'avait pas le droit de me faire ça, vraiment pas ! Je me rendais compte que même le goût du sang m’écœurait alors je reculais comme sonné, le type était vivant et la jeune femme terrorisée se précipita vers lui alors que je chancelais. Ma vue se brouilla un instant et j'eus à nouveau des flash, indescriptibles mais si puissant que j'eus l'impression de tomber ce qui en fait n'était pas une illusion, mes genoux heurtèrent le sol et je sentais l'eau froide dégoulinant de mes cheveux, m'essuyant la bouche d'un revers de main je restais prostré un instant avant de me relever pour à nouveau m'enfuir cette fois en direction de chez moi. Jamais, plus jamais je ne voulais ressentir pareille douleur.